Ziting Wang1, Jimmy Vernaz2, Nikolaos Tagaras1, Bernadett Boda2, Tina Buerki-Thurnherr1, Giacomo Reina1, Vera M. Kissling1, Samuel Constant2, Govind Gupta1, Peter Wick1
1Nanomaterials in Health Laboratory, Swiss Federal Laboratories for Materials Science and Technology (Empa), CH-9014 St. Gallen, Switzerland; 2Epithelix Sàrl, CH-1228 Geneva, Switzerland
Le tractus respiratoire possède des mécanismes de défense immunitaire innée dirigés par l’épuration mucociliaire, qui protègent les poumons contre les expositions environnementales nocives. Il a été démontré que l’exposition par inhalation à certains nanomatériaux peut déclencher des troubles respiratoires. Toutefois, la question de savoir si les nanomatériaux peuvent altérer le mécanisme de défense innée médié par l’épuration mucociliaire dans les poumons reste encore peu comprise. Dans cette étude, nous avons examiné les interactions et les effets potentiels de nanofils de carbure de silicium (SiC NWs, ACS Materials, D : 100–1000 nm, L : 10–50 μm) ainsi que d’autres matériaux de référence pertinents (nanoparticules de silice SiO₂ (JRC-NM203), quartz de silice (DQ12), nanotubes de carbone multi-parois (MWCNTs, JRC-NM403) et nanosheets de graphène (JRC-NM48001a)) sur le mécanisme de défense mucociliaire des cellules épithéliales bronchiques. À cette fin, nous avons utilisé des cultures de cellules épithéliales bronchiques humaines primaires (pHBE) (MucilAir™), reconstituées à partir de cellules primaires provenant d’un donneur humain sain et cultivées en conditions d’interface air-liquide (ALI). Ces cultures de cellules pHBE conservent une barrière épithéliale intacte et sont composées des principaux types cellulaires présents dans les bronches (cellules ciliées, cellules caliciformes sécrétrices de mucus et cellules basales). Elles reproduisent fidèlement la physiologie des voies respiratoires bronchiques (par exemple : sécrétion de mucus, cils mobiles, microenvironnement de conduction), permettant ainsi une analyse approfondie des effets des nanomatériaux sur le mécanisme de défense mucociliaire.
Figure 1. Caractéristiques des nanomatériaux à base de silice et de carbone avant et après incubation avec le mucus bronchique produit par les cultures cellulaires pHBE à 37 °C. (a-b) Hydrophilie des particules de silice déterminée par mesure de l’angle de contact avec l’eau: a. images en champ clair, b. angle de contact des différentes particules. (c) Schéma illustrant les différentes étapes de la caractérisation mucus-nanomatériau. (d) Images en microscopie électronique à transmission (MET) par coloration négative des matériaux indiqués, avant et après 2 heures d’incubation avec le mucus respiratoire. Les flèches rouges indiquent les matériaux, et les zones grises autour des matériaux correspondent aux composants du mucus. (e-f) Potentiel zêta de surface (e) et taille hydrodynamique (f) des matériaux avant et après incubation avec le mucus. (g-h) Spectre Raman du mucus seul (g), et des nanofils de carbure de silicium (SiC NWs) avant et après incubation avec le mucus (h). Les données présentées dans les figures b, e et f sont exprimées en moyenne ± écart type (n = 3). **p < 0,01, ***p < 0,001, ****p < 0,0001.
Figure 2. Les nanofils de carbure de silicium (SiC NWs) ont provoqué des dommages ciliaires et altéré la fonction de clairance mucociliaire des cultures cellulaires pHBE après 4 jours d’exposition répétée. (a) Images en microscopie électronique à balayage (MEB) montrant la morphologie ciliaire dans le témoin véhicule (0,05 % BSA) et dans les cellules exposées aux SiC NWs (10 μg/cm²). Les cellules caliciformes (GC) sont indiquées par les zones délimitées en pointillés blancs, et les zones déciliées sont mises en évidence par des cercles jaunes. Les images du panneau inférieur présentent un zoom sur des régions sélectionnées (indiquées par des carrés bleus). (b) Images en microscopie électronique à transmission (MET) du témoin véhicule (0,05 % BSA) et des cellules exposées aux SiC NWs (10 μg/cm²). Les images montrent des corpuscules basaux (BB) mal localisés et des zones déciliées dans les cultures exposées aux SiC NWs. (c-d) Les SiC NWs ont significativement réduit la fréquence de battement ciliaire (CBF) et la fonction de clairance mucociliaire (MCC) des cultures pHBE aux doses indiquées. Données présentées sous forme de moyenne ± écart-type (n = 3). *p < 0,05, **p < 0,01. (e) Carte de chaleur montrant le changement d’expression des transcrits d’ARNm des gènes indiqués, liés aux fonctions mucociliaires. Données présentées sous forme de moyenne ± écart-type (n = 3). *p < 0,05.
Figure 3. Absorption des nanofils de SiC (SiC NWs) et cytotoxicité dans les cultures de cellules épithéliales bronchiques humaines primaires (pHBE). (a) Images en microscopie électronique à transmission (MET) des cultures pHBE montrant l’absorption des SiC NWs après 4 jours d’exposition répétée. Les flèches rouges indiquent la présence de SiC NWs dans des endosomes situés dans le cytoplasme. (b) (b) La résistance électrique transepitheliale (TEER) des cultures cellulaires a diminué après 2 et 4 jours d’exposition aux SiC NWs. (c) Aucune augmentation significative de la libération de lactate déshydrogénase (LDH), indicatrice de rupture membranaire, n’a été observée aux jours 2 et 4 d’exposition répétée aux SiC NWs par rapport au contrôle négatif (0,05 % de BSA dans une solution de NaCl à 0,9 %). Le Triton X-100 (10 %) a été utilisé comme contrôle positif pour l’essai LDH afin de provoquer une lyse cellulaire complète (lyse maximale). Les données sont présentées comme moyenne ± écart-type (n = 3). (d) Réponses cytokiniques-chimiokiniques (analyse multiplex 48-plex) dans les cellules pHBE après 4 jours d’exposition aux SiC NWs, SiO₂ NPs, MWCNTs, quartz DQ12 et feuillets de graphène à une dose de 10 μg/cm². Une carte de chaleur avec regroupement hiérarchique montre les réponses globales en cytokines et chimiokines après exposition aux matériaux indiqués. Une solution de BSA à 0,05 % dans du NaCl à 0,9 % a été utilisée comme contrôle négatif et Cytomix™ comme contrôle positif. Significativité statistique par rapport au contrôle : *p < 0,05 ; **p < 0,01 ; ****p < 0,0001. p > 0,05 indique une absence de significativité statistique.
Conclusions
Les nanofils de carbure de silicium peuvent pénétrer la barrière muqueuse respiratoire et perturber la structure et la fonction ciliaires, compromettant ainsi l’immunité innée mucociliaire des cellules épithéliales bronchiques. Ceci souligne la cytotoxicité respiratoire des nanofils de carbure de silicium après exposition par inhalation et leur impact potentiel à long terme sur les poumons. Cette illustration a été créée avec BioRender.com.
MACRAME a reçu un financement de l’Union européenne dans le cadre du programme de recherche et d’innovation Horizon Europe, selon l’accord de subvention n° 101092686. Les partenaires associés (c’est-à-dire (a) les partenaires suisses et (b) les partenaires britanniques) ont reçu un financement de (a) la Secrétariat d’État suisse à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI), et de (b) Innovate UK.